Courant d’Air a organisé un colloque interrégional “Les énergies renouvelables – plus pertinentes que jamais!” le 17 janvier 2017 à Eupen. Ce colloque a été organisé pour aider les acteurs de la société à comprendre les évolutions de la transition énergétique, pour lever les derniers doutes et surtout pour en saisir les opportunités pour les acteurs locaux.
Colloque interrégional
La pertinence des énergies renouvelables y a été abordée selon les piliers : sociétal, technique, économique, et environnemental, en présence d’experts scientifiques de renommée internationale. La journée a commencé par une séance plénière durant toute la matinée, suivie de 4 workshops thématiques l’après-midi, permettant de discuter en plus petits groupes autour d’exemples concrets.
La salle « Europasaal » du Ministère était au maximum de sa capacité avec 230 personnes présentes, des représentants issus du monde politique et des administrations, des communes, des ONG environnementales, des coopératives et des bureaux d’études, de Flandre, de Wallonie, d’Allemagne et des Pays-Bas
Craig Morris, journaliste indépendant et co-auteur du livre « Energy Democracy », était le modérateur du matin. Les présentations du matin ont été traduites en simultané dans 4 langues.
Le Ministre-président Oliver Paasch a inauguré le colloque. Il a profité de l’occasion pour expliquer les efforts de la Communauté Germanophone pour l’approvisionnement en énergie durable, même si cette dernière n’a que des possibilités d’action limitées dans ce domaine du fait que la compétence en énergie dépend du pouvoir régional wallon et fédéral belge. Il a mentionné la charte énergétique du « Wuppertaler Institut » et a cité des exemples concrets des réalisations dans la Communauté Germanophone.
Ensuite, Dirk Vansintjan, en tant que président de REScoop.eu (Renewable Energy Source cooperatives) a présenté cette fédération européenne. Il a montré le grand développement des coopératives citoyennes d’énergie renouvelable à travers l’Europe, de la Grande Bretagne en passant par la Croatie et la Grèce. Les coopératives membres de REScoop.eu totalisent actuellement 2.600 coopératives avec 650.000 membres.
La matinée s’est poursuivie avec la présentation de Gérard Magnin, ex-administrateur EDF, fondateur d’Energycities et président de la coopérative française JURASCIC. Il a traité de la pertinence sociétale actuelle des énergies renouvelables. Mr. Magnin parlait, entre autres, des valeurs fondamentales vers lesquelles notre société doit s’orienter si elle souhaite survivre, comme la recherche de la paix et de la démocratie, la solidarité intergénérationnelle ou les ressources naturelles qui sont des « biens communs », pour n’en nommer que quelques-unes. Si on juge la fourniture d’énergie en tenant compte de ces critères, seules les énergies renouvelables peuvent répondre à tous ces critères simultanément.
Henrik Lund, professeur de l’Université Aalborg à Copenhague, directeur de l’unité de recherche « Sustainable Energy Planning », a exposé les possibilités techniques et économiques d’une transition vers 100% d’énergies renouvelables en Europe à l’horizon 2050. Professeur Lund a expliqué qu’un système énergétique « intelligent » (Expression « smart energy system» en anglais) intègre une planification simultanée de la production de chaleur, de la mobilité et du développement industriel en plus de l’approvisionnement en électricité. C’est la clef pour une transition rentable vers 100% d’énergies renouvelables. De plus, Prof. Lund a présenté les 9 étapes vers un scénario 100% d’énergies renouvelables pour l’Europe, de l’arrêt des centrales nucléaires, l’étape no 1, jusqu’à la dernière étape, qui est le remplacement du gaz naturel. Il existe des solutions techniques pour toutes les étapes qui sont aussi financièrement viables. Le passage aux énergies renouvelables ne serait plus un rêve ! On lui avait reproché il y a des années que la transition énergétique n’était qu’un rêve. A l’époque, il avait répondu que les alternatives ne seraient qu’un cauchemar. Le Danemark progresse très rapidement dans cette voie. Cela fait déjà de nombreuses années que les questions d’énergie sont débattues dans les parlements successifs. Depuis, il existe un consensus qui a déjà survécu à quelques gouvernements : le Danemark compte bien être totalement indépendant des énergies fossiles et nucléaire d’ici à 2050.
Mr. Jonathan Bonadio de la Direction Générale Energie de la commission européenne, qui avait annoncé sa venue à la dernière minute, a présenté peu avant la pause-café quelques points de la nouvelle politique d’énergie de l’UE. L’efficacité énergétique serait au premier rang. De plus, les efforts concernant les énergies renouvelables devraient être poursuivis. Il était regrettable que les objectifs ne vaillent que pour toute l’Europe et ne soient pas transférés en objectifs nationaux. Les consommateurs et les associations locales énergétiques joueraient un rôle plus important dans le futur de toute façon.
Après une courte pause, la pertinence économique des énergies renouvelables a été abordée par Peter Heck, Professeur et responsable du département environnement de l’IFAS (Institut de Recherche appliquée en énergies renouvelables) à Trèves. Ce Professeur a pu démontrer, dans de nombreux territoires étudiés en Allemagne, mais aussi dans d’autres pays européens, la valeur ajoutée régionale apportée par le développement des énergies renouvelables sur un territoire donné. Au début de sa présentation, Prof. Heck a détaillé les dépenses énormes pour les importations fossiles (pétrole, gaz, charbon) en Allemagne : 100 milliards d’euros en 2014, ce qui correspond à 3,5% du PIB. Au total, il s’agit de 830 milliards d’euros pour la période 2000-2013 et selon les prévisions de 2013 à 2030 plus de 2000 milliards d’euros. En se fondant sur plusieurs exemples, Prof. Heck a mis en avant la création de valeur, entre autres en matière d’emploi, quand on investit dans les énergies renouvelables plutôt que de dépenser dans les énergies polluantes. Prof. Heck a terminé sa présentation avec une citation de Mahatma Gandhi : « Le futur dépend de ce que nous faisons aujourd’hui ».
Thierry Hance, Professeur de l’Université catholique de Louvain et Directeur du pôle Biodiversité au Life and Earth Institute, a examiné le 4ème aspect : Les effets du changement climatique sur la biodiversité et la pertinence des énergies renouvelables qui en résulte. Le Professeur Hance a précisé que la biodiversité se trouve dans une crise profonde. L’impact du changement climatique sur la biodiversité est indiscutable et important, les conséquences en sont très complexes : des changements de la température, des extrêmes de température, les saisons et la fréquence et l’intensité des chutes de pluie, les changements de l’acidité de la mer et des courants de la mer, ainsi que d’autres changements. Beaucoup d’animaux et de plantes n’auraient pas la possibilité de s’adapter suffisamment ce qui entrainera leur disparition par la sélection naturelle. En conclusion, Prof. Hance a présenté les résultats de différentes études : 15 à 37% des espèces animales seraient sérieusement menacées d’extinction dans le monde et tel serait le cas pour 41 à 63% des espèces végétales en Europe.
Une pause de midi bien méritée a fait suite au 4ème exposé. Les participants ont eu l’opportunité d’échanger leurs cartes de visite et de s’informer en visitant les stands des partenaires du colloque (Europe Direct, Euregio Meuse-Rhin, Cercle des Naturalistes de Belgique, Patrimoine Nature, Communauté Germanophone, …).
4 workshops ont été organisés en parallèle l’après-midi. Chaque workshop a repris un des 4 thèmes de la matinée. Les participants avaient dû se décider préalablement pour 1-2 workshops.
Le workshop 1 s’est concentré sur la thématique « Eoliennes et avifaune ». Mr. Jean-Yves Paquet, directeur du département d’études d’AVES – Natagora, a étudié le thème « l’évolution des populations et de la répartition du Milan royal en Belgique ». Mr. Paquet a donné des explications sur l’évolution positive de la population dans notre pays. Cette population a doublé au cours des 10 dernières années pour atteindre 300 à 350 couples. Selon quelques experts, le Milan royal court le risque d’entrer en collision avec les éoliennes. Mr. Paquet a exprimé son point de vue que l’installation de parcs éoliens supplémentaires devrait être évitée sur le territoire des 5 communes du sud de la Communauté Germanophone, du fait que le Milan royal y est justement très présent. Mr. Oliver Kohle, directeur du bureau d’étude Kohle Nusbaumer SA, situé en Suisse et spécialisé dans les énergies renouvelables et la protection de l’environnement, a expliqué les effets des parcs éoliens sur les rapaces en Allemagne. Selon Mr. Kohle, les effets des éoliennes sur les rapaces, comme le Milan royal, sont limités et à relativiser en respectant une série d’autres causes (lignes électriques de moyenne tension, agriculture intensive, trafic). Un 3ème exposé a été donné par Augustin Rioperez (Espagne) qui a présenté le système DTBird pour la détection des oiseaux près des éoliennes. Le système permet de tenir les oiseaux à l’écart des éoliennes grâce aux émissions sonores ou d’arrêter le rotor si l’oiseau continue sa direction de vol. Ce workshop a été animé par Mr. Christophe Schoune, secrétaire-général d’Inter-Environnement Wallonie. Dans le cadre de sa synthèse de la journée, Prof. Hance a enjoint les associations de protection de l’environnement et celles de protection des oiseaux et de la nature à collaborer ensemble au vu des enjeux du changement climatique et de l’approvisionnement en énergie fossile qui cause d’énormes dommages à la biodiversité.
Yves Marenne, directeur scientifique de l’ICEDD, et Jan Duerinck, scientifique au VITO, ont exposé dans le 2ème workshop le modèle pour « 100% d’énergies renouvelables en Belgique à l’horizon 2050 ». Ils ont montré que cette transition est possible en Belgique et financièrement viable.
Le 3ème workshop « La transition énergétique allemande : point de départ d’une démocratie énergétique » présenté par Craig Morris, l’animateur du matin, a traité les différences dans l’acceptation sociétale de la transition énergétique, selon que cette dernière est venue « du bas », car initiée par les citoyens, ou d’en haut, du fait de son imposition par le monde politique. Au Canada par exemple, l’acceptation était limitée parce que l’initiative est venue du monde politique.
Dans le 4ème workshop, animé par Relinde Baeten de la coopérative Ecopower, les bonnes pratiques de collaboration entre des coopératives citoyennes énergétiques et des communes, ainsi que le projet Horizon 2020 « REScoop.MECISE » ont été exposés. En plus de la présentation de Yoeri Vastersavendts, échevin de la commune d’Asse, un nombre important d’exemples de projets des coopératives citoyennes Ecopower (Flandre), Courant d’Air, Energy4All (Grande Bretagne), Som Energia (Espagne) et Enercoop (France) se sont succédés. Toutes les coopératives citées sont des partenaires du projet Horizon 2020 « MECISE » et se sont réunies le jour précédent du colloque pour un meeting au centre naturel de Botrange.
A la fin de la journée, Madame Doerte Fouquet, directrice d’EREF (European Renewable Energies Federation), a assumé la tâche de résumer la journée et les présentations sous forme d’une synthèse, avant d’inviter les participants à partager le verre de l’amitié avec dégustation de bières locales.
En conclusion, il a été affirmé très clairement qu’il n’existe pas d’alternative à la transition vers les énergies renouvelables. Le coût des énergies renouvelables devient plus avantageux et il existe des solutions techniques pour toutes les étapes de cette transition. De plus, les énergies renouvelables contribuent à freiner la dégradation catastrophique de l’environnement et de la biodiversité. Elles permettent de respecter les valeurs fondamentales de nos sociétés, avec pour effet que les citoyens deviennent des acteurs responsables qui contribuent au développement d’une société plus durable. Les énergies renouvelables sont sans aucun doute plus pertinentes que jamais !
Les présentations filmées et les différentes présentations se trouvent sur le site web de Courant d’Air et de REScoop.eu.
Ministerprésident Oliver Paasch (DG Belgique)
Dirk Vansintjan (REScoop.eu)
Gérard Magnin (Energy Cities, Jurascic)
Prof. Henrik Lund (Université Aalborg, Kopenhagen)
Jonathan Bonadio (European Commission – DG Energy)
Dr. Peter Heck (IFAS – Université Trier)
Thierry Hance (Université catholique de Louvain)
Yoeri Vasteravendts (Commune Asse)
Karel Derveaux (Ecopower)
Mario Heukemes (Courant d’Air)
Mark Luntley (Energy4All)
Paul Phare (Energy4All)
Nuri Palmada (SomEnergia)
Maelle Guillou (Enercoop.fr)