Passons à une énergie positive
Emission de Pep’s Radio du 30.6.2023
Interview avec Patrick Bartholomé
« On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs », dit la sagesse populaire. Cela vaut aussi pour les éoliennes : pour les fabriquer, les transporter et les construire, de l’énergie est nécessaire, donc du CO2 est émis. En fin de vie, les matériaux doivent être recyclés et de l’énergie est encore consacrée au démantèlement. Oui mais combien ? La réponse fait toute la différence.
Pour l’ensemble des éoliennes européennes qui vont arriver en fin de vie, on estime à 350.000 tonnes la masse totale de matériaux à recycler. La durée de vie des éoliennes s’allonge et tend vers 25 à 30 ans, avec un âge moyen actuel en Belgique de 7 ans pour les éoliennes déjà installées. Mais elles se multiplient à grande vitesse et il va arriver un moment où on va les démanteler en grand nombre. Les quantités de matériaux à recycler vont donc augmenter elles aussi.
La plupart des filières existent déjà
Acier, cuivre, aluminium, métaux divers, béton, plastique, fibre de verre, carbone, résines diverses : nombreux sont les matériaux mis en œuvre dans une éolienne et chacun nécessite un traitement spécifique pour être recyclé efficacement.
Les métaux, fondus et purifiés, sont réutilisables à l’infini ; le béton, broyé, rentre dans la composition de nouveaux matériaux de construction ; les plastiques, séparés et reconditionnés en granulés servent à produire d’autres produits en plastique.
La fibre de verre et les composites avancés sont plus difficiles à recycler. Jusqu’à récemment ils ne pouvaient pas être valorisés mieux que comme combustibles de substitution (dans les cimenteries par exemple). Les fibres de pales broyées étaient utilisées dans des matériaux de construction.
Révolution pour le recyclage des pales
Le constructeur d’éoliennes danois Vestas a présenté tout récemment une nouvelle solution qui rend les pales d’éoliennes recyclables, même celles déjà existantes. Le nouveau procédé permet de décomposer la résine pour récupérer la matière première des pales. Ceci évite de devoir mettre en décharge les parties non recyclables des éoliennes, principalement les pales, une pratique interdite en Wallonie.
Des garanties pour l’avenir
La Région Wallonne impose aux exploitants des parcs éoliens de déposer des sommes suffisantes, sur un compte bloqué, pour financer le démantèlement futur même en cas de faillite de l’exploitant. Le montant total est fixé dans le permis. De plus les terres agricoles doivent être rendues dans leur état initial. Mais fabriquer une éolienne, la construire puis la déconstruire, recycler et remettre en état, cela coûte aussi en énergie, pas seulement en argent.
La fabrication, principale émettrice de CO2
Sur l’ensemble du cycle de vie d’une éolienne, la fabrication représente 65 % des émissions de CO2. Selon une étude menée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour produire une éolienne de 2 MW, environ 14 tonnes de CO2 sont émises en Europe et environ 20 tonnes en Chine.
À cela s’ajoutent les émissions liées au transport et à l’installation par des machines lourdes et des équipements de levage. Transport et matériel lourd sont à nouveau utilisés lors du démantèlement. Malgré tout cela, selon les chiffres de l’ADEME, les éoliennes terrestres ont une empreinte carbone moyenne de 12,7 g équivalent CO2 par kilowattheure d’électricité produite sur leur durée de vie. À comparer à l’empreinte carbone moyenne du gaz naturel qui est d’environ 490 g ou à celle du charbon : 820 g.
Autre façon d’envisager la question
Une étude a démontré que les éoliennes danoises de 3 MW de type Vestas accumulent une dette énergétique de 4.304 MWh sur l’ensemble de leur durée de vie (donc en tenant compte donc de leur coût en énergie pour la fabrication, le transport, l’entretien et le démantèlement). Avec un gisement venteux comme celui de la Wallonie, une telle éolienne produira ces 4.304 MWh en un peu moins de 8 mois, remboursant ainsi sa « dette » énergétique. Pendant les 24 années suivantes, elle produira de l’électricité sans risque pour le climat ni pour notre espérance dans un futur serein.
Et au bout du compte, il n’en restera, finalement, que du vent.