Passons à une énergie positive
Emission de Radio Impact du 27.6.4.2023
Interview avec Patrick Bartholomé
Ces dernières années, le nombre de projets éoliens a fortement augmenté en Wallonie. Certaines communes sont parfois sollicitées pour deux voire trois projets sur leur territoire. Cela ne veut pas dire pour autant que tous ces projets seront acceptés. Loin de là.
Oui, les éoliennes ont un impact sur le paysage. Mais dans quelle mesure et, surtout, qu’est-ce qui a été mis en place pour éviter les dérives ? C’est sur ce point que nous nous sommes penchés.
S’informer correctement pour ne pas rejeter sans savoir
Les éoliennes sont dans l’air du temps. Tout le monde en parle et chacun a son avis sur le sujet. Afin de mieux comprendre l’opinion publique, la Région wallonne a ordonné il y a quelques années, une étude (Aerograf 2005) sur l’acceptation sociale des éoliennes. Elle a concerné 250 riverains de trois parcs wallons.
Il en ressort qu’une large majorité (72 %) des personnes interrogées n’ont pas perçu de changement dans leur vie quotidienne. Deux minorités estiment que les éoliennes ont un impact, soit « très négatif », soit « très positif ». Mais pour la plupart des riverains, elles font désormais partie du paysage, ni plus, ni moins.
Au-delà des « on-dit »
Voici quelques citations pour illustrer cet état d’esprit majoritaire : « Avec le temps, ça ne dérange pas » ; « Au début, ça impressionne un peu mais on s’y habitue facilement » ; « On fait parfois une balade jusque-là » ou encore « Mes enfants aiment bien les regarder… ».
Durant la phase de projet, les réactions des habitants dépendent fortement de leur connaissance réelle du projet et de leur implication dans le processus de concertation. Les personnes qui s’en tiennent aux rumeurs (« on dit que… ») expriment généralement une vive inquiétude, voire un rejet par principe.
À l’inverse, les personnes qui s’informent auprès des autorités compétentes (réunions d’information, enquête publique) comprennent le projet et ses avantages, évaluent les impacts possibles sur leur cadre de vie, proposent éventuellement des adaptations et sont généralement satisfaites de la réalisation du parc éolien. L’étude montre ainsi que 62 % des personnes interrogées sont prêtes à accueillir une éolienne à moins de 1.000 mètres de leur habitation.
Solides mesures de précautions en Wallonie
Une bonne information est importante pour rassurer et balayer les doutes. Mais en amont, avec le temps, les communes ont aussi appris à anticiper les problèmes. Et avant elles, la Région wallonne a pris une série de mesures contraignantes, notamment en termes de respect du paysage. Ce sont ainsi plusieurs balises claires qui ont été définies par la réglementation :
- Un bureau d’étude (indépendant et agréé par la Région wallonne) doit analyser les incidences sur la faune, la flore et le cadre de vie des riverains dans une étude d’incidences et proposer des alternatives lorsque ces incidences sont jugées trop élevées. Une telle étude compte généralement au moins 500 pages. C’est dire si elle est complète et sérieuse
- Le contenu de l’étude est ensuite contrôlé par les Pôles environnement et aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental de Wallonie.
- L’avis et les remarques de la population sont officiellement sollicités à deux reprises : avant l’introduction du permis et pendant la procédure d’instruction. Les riverains les plus proches du parc sont d’ailleurs en droit de demander des analyses paysagères complémentaires afin de prévisualiser l’aspect des éoliennes depuis leur habitation.
- Après l’introduction du permis, l’impact sur l’environnement est ensuite analysé par le Service Public de Wallonie TLPE (Territoire, Logement, Patrimoine et Énergie). L’avis que remet cette instance publique prend en considération plus de 30 critères d’appréciation, dont une distance minimale à respecter par rapport aux habitations.
- En règle générale, l’avis motivé d’autres organismes est systématiquement sollicité. Parmi ceux-ci, la Commission Royale des Monuments, Sites et Fouilles, le Département de la Nature et des Forêts pour l’intégration avec les zones naturelles protégées, le SPW Mobilité et Infrastructures pour l’intégration avec le réseau routier, les Gestionnaires des réseaux de transport et de distribution pour la sécurité et l’intégration au réseau électrique, la Direction Générale du Transport Aérien du SPF Mobilité et Transports, Skeyes pour l’intégration avec l’aviation civile, la Défense, etc.
- Enfin, se basant sur un cadre de référence réglementaire ainsi que sur les avis des riverains et des organismes consultatifs, les fonctionnaires techniques et délégués des administrations externes du Service Public de Wallonie Agriculture, Ressources naturelles et Environnement statuent sur la qualité de l’intégration paysagère du projet et sur l’octroi ou le refus du permis.
Sur quels principes ces organismes vont-ils évaluer le projet ?
La Wallonie a posé comme fil rouge une intégration paysagère harmonieuse des éoliennes dans le paysage. Concrètement, cela signifie que les parcs éoliens doivent obéir à trois principes :
Regroupement : les parcs se composant d’un minimum de 5 éoliennes sont privilégiés (sauf quelques exceptions pour des éoliennes isolées situées à proximité d’infrastructures : zones industrielles, canaux, autoroutes…). Il s’agit d’éviter l’occupation de l’espace rural par des éoliennes isolées qui donneraient une impression peu harmonieuse. Pour le dire en termes familiers : pas d’éoliennes « plic-ploc » dans le paysage…
Limitation de la covisibilité : la présence de deux ou plusieurs parcs éoliens dans un même champ de vision est liée à la distance entre parcs éoliens et dépend de différents paramètres tels que la topographie des lieux, la hauteur des éoliennes ou la végétation existante. Lorsque cette distance entre plusieurs parcs éoliens est trop limitée, elle peut entraîner une impression d’encerclement ou de saturation visuelle. Dans ces conditions, un projet éolien ne sera généralement pas accepté.
Cohérence paysagère : la disposition et l’agencement des parcs éoliens doit mettre en valeur les caractéristiques du paysage et souligner ses lignes de force. On entend par là « les lignes d’origine naturelle ou artificielle mettant en évidence la structure générale du paysage et servant de guide pour le regard ».
En résumé, le paysage doit rester agréable au regard… du plus grand nombre, car la beauté restera toujours subjective : comme dit le proverbe anglais, « La beauté se trouve dans l’œil de celui qui regarde ».