Passons à une énergie positive
Emission de Radio Impact du 13.4.2023
Interview avec Patrick Bartholomé
Que ce soit le chevreuil, le lièvre, le renard ou le sanglier, la forêt abrite de nombreux animaux sauvages. Beaucoup d’entre eux sont protégés, sont considérés comme particulièrement craintifs et sont sensibles aux sources de bruit. Des études ont montré que les émissions sonores dans les forêts influencent, ne serait-ce que brièvement, le comportement des animaux. Qu’en-est-il dès lors de l’impact des éoliennes installées de plus en plus en forêt ? Quelle altération de la vie sauvage ont-elles et, indirectement, quel impact ont-elles sur la chasse en général ?
Selon le « Wildlife Society Bulletin », les éoliennes peuvent avoir un impact sur la chasse en raison de leur impact sur la migration et les habitats des animaux sauvages. Cependant, cet impact peut être minimisé en prenant certaines mesures pour protéger les populations animales telles que la planification stratégique du placement des éoliennes (saison de reproduction à éviter), la mise en œuvre de technologies plus respectueuses de la faune et en surveillant régulièrement les populations animales pour détecter tout impact négatif. Cela peut aider à garantir que les populations animales soient protégées tout en fournissant une source d’énergie renouvelable pour les générations futures.
Mais au fond, pourquoi met-on des éoliennes en forêt ?
Si elle n’est pas encore une habitude en Wallonie, l’implantation d’éoliennes en zone forestière est une pratique courante en Allemagne et dans les pays scandinaves. Il est possible de minimiser les impacts sur la biodiversité locale, principalement en choisissant les sites les plus adaptés, en menant des études préalables rigoureuses et en mettant en place des mesures de compensation. Ainsi par exemple en Wallonie, Le Code du développement territorial (CoDT) autorise l’implantation des éoliennes en forêt si elles sont situées notamment dans un peuplement de résineux de faible intérêt biologique. Les plantations en place sont analysées dans l’étude d’incidences.
Cette implantation en forêt se justifie au travers de plusieurs avantages, en permettant d’éloigner les parcs éoliens des habitats et des activités humaines, ce qui diminue les impacts en termes de paysage. Qui plus est, la végétation dense de la forêt fait office d’écran acoustique. De plus, une éolienne moyenne épargne chaque année environ 3.750 T d’équivalent CO2, alors qu’une forêt wallonne sur une surface de déboisement similaire à celle nécessaire pour implanter une éolienne, compense … 4 T d’équivalent CO2 chaque année. Ceci ne veut toutefois pas dire qu’il faut raser les forêts pour les remplacer par des éoliennes… En Wallonie, un tiers du territoire est couvert de forêts. C’est plus de 560 000 ha. Et l’emprise au sol d’une éolienne est infime par rapport à cette énorme surface. En pourcents, on parle de 0 virgule 00…
Et les animaux dans tout ça ?
Bien sûr, l’arrivée d’une éolienne perturbent la vie sauvage. Mais il est important de souligner que cet impact est variable selon les espèces et les régions. Et que c’est surtout au moment de leur installations que les perturbations vont se ressentir au niveau des habitudes du gibier, principalement le petit. Des études ont montré que les émissions sonores dans les forêts influencent, ne serait-ce que brièvement, le comportement de ces animaux. Mais si la zone entourant les éoliennes est perturbée, c’est surtout pendant la phase de construction. Concernant le gros gibier, l’impact est moins conséquent pour le sanglier car c’est une espèce qui change souvent d’habitat et qui s’adapte facilement aux divers biotopes, il fuira néanmoins la zone le temps des travaux. Le petit gibier sédentaire (lièvre, lapin, renard), fuira, lui, cette zone à la recherche d’un nouveau territoire. Après la période des travaux, ces animaux reviendront mais le délai est différent d’une espèce à l’autre.
Le cerf, un cas à part.
Des études menées lors d’installations de l’éolien en forêt ont observé des impacts différents sur le cerf en Allemagne ou en Ecosse par exemple. Ainsi, d’après cette étude menée par l’université d’Hanovre en Allemagne, les cerfs s’habituent à l’éolienne en l’espace d’un ou deux ans, si aucune autre perturbation ne vient s’y ajouter. A l’inverse, les cerfs rouges qui ont été étudiés en 2020 en Ecosse ont eu, eux, plus de mal. Les résultats ont montré que les cerfs évitaient les zones proches des éoliennes et que cela avait un impact négatif sur leur comportement alimentaire et même sur leur condition physique. Mais cela reste une exception, car ailleurs, on le sait : pendant et après les travaux, les cerfs évitent largement la zone d’influence des éoliennes puis y reviennent car ils s’habituent tant à la présence de ce nouvel élément qu’à son bruit de fond ou à l’ombre portée de ses pales.
Les lumières aussi
Les perturbations proviennent également des ombres portées liées aux pales du rotor – non seulement à la lumière du soleil, mais aussi et surtout la nuit, par un clair de lune lumineux. En l’absence de stimuli perturbateurs supplémentaires, il y a là aussi une accoutumance. Mais si d’autres perturbations s’y ajoutent, les zones de l’installation sont évitées, du moins les nuits où la lune est claire. Les sangliers sont les moins touchés par les émissions lumineuses. Les cerfs et les chevreuils s’y habituent également à moyen terme. Comme cela a été démontré aussi sur les terrains d’entraînement militaire. L’occupation de l’espace par le gibier ne change pas, même lors de tirs d’armes à feu ou d’artillerie, en dehors de la zone d’impact bien sûr.
Le chasseur plus perturbé que la chasse altérée
On le voit, le gibier n’est, en définitive, que peu dérangé par l’arrivée d’une éolienne une fois celle-ci installée. Est-ce finalement à dire que la chasse n’en est pas altérée ? Ce n’est pas si évident, car la chasse est avant tout un loisir. Et un plaisir. Le chasseur, lui aussi, va sans doute ressentir une perturbation de son plaisir et de ce moment privilégié dans la nature. À cet endroit le calme et la beauté de la forêt ne seront plus tout à fait les mêmes. Et là c’est la perception personnelle qui va jouer, la façon dont le chasseur perçoit ce qu’une éolienne apporte à la protection de l’environnement qu’il apprécie tant…